Le Samedi dernier, près de 200 militants pour la défense de la langue française ont manifesté devant le Centre Bell à Montréal pour dénoncer la nomination, mi-décembre, d'un unilingue anglophone au poste d'entraîneur-chef du Canadien.
Tout d’abord, j’aimerais préciser que je suis d’accord avec l’idée que les propriétaires du «Canadien de Montréal» devraient traiter les francophones avec plus d’égard parce que ce sont eux qui font vivre ce club. C’est une simple logique commerciale. Pour moi, le client est toujours le roi. Mais est-ce une raison pour organiser une manifestation contre une entreprise privée parce qu’elle a choisi «temporairement» de nommer un anglophone au poste d’entraîneur? L’été dernier, il y avait une manifestation organisée pour exiger la tenue d’une commission d’enquête publique sur la corruption et la collusion dans l’industrie de la construction, une gangrène qui fait perdre des milliards aux Québécois au fil des années, il y avait très peu de monde au rendez-vous. Mais pour une décision qui ne changera véritablement pas grande chose dans nos vies et qui de surcroit est considérée comme temporaire, les gens sont prêts à braver le froid hivernal pour se faire ridiculiser. Les gens ont un drôle de choix de priorités.
Pour revenir au CH, le problème est que beaucoup de gens restent figés dans le passé, le temps où cette équipe était un vrai porte-étendard des canadiens français, le temps de la gloire, le temps où les gens jouaient vraiment pour l’honneur, pour le respect et pour des convictions, où les francophones étaient prêts à tout pour jouer pour le CH, le temps où le CH était plus qu’un club.
Malheureusement pour les nostalgiques, ce temps est révolu. J’entendais ce matin à la radio Marie-France Bazzo déclarer que le CH est comme une équipe nationale. Ah bon? Une équipe nationale avec 2 québécois et une bande de mercenaires millionnaires qui ne parlent même pas français? Toute une équipe nationale ! Ce genre de déclaration est la preuve que certains refusent d’accepter que le CH est devenu un club comme les autres dont la fibre nationale s’est éteinte depuis belle lurette. Certes, le CH reste un club mythique mais il y a une seule possibilité pour faire revivre la fibre identitaire rattachée au CH, c’est que les partisans ACHÈTENT leur équipe et la transforme en une organisation à but non lucratif. Une idée folle? Pas autant qu'on peut le croire.
Actuellement, les partisans vivent leur attachement identitaire au club à crédit. Le CH est devenu le refuge émotionnel des Québécois en temps de déprime hivernale mais malheureusement le club est une entreprise privée qui doit prendre des décisions d’affaires. Si ca arrive que ces décisions répondent aux attentes des partisans francophones, c’est essentiellement pour respecter les acheteurs de billets et des bières Molson, donc d’un strict point de vue marketing. Mais vouloir qu’un club qui appartient à des intérêts privés, soit le porte étendard de l’identité québécoise et du fait français est un peu exagéré, un rêve « multicolore ».
Pour comprendre mon point de vue, il faut faire le parallèle avec le FC Barcelone, ce club mythique de soccer espagnol dont l’histoire est autant liée à celle du peuple catalan (minorité linguistique) que celle du CH l’est avec les canadiens français. Mais la grande différence entre les deux clubs, c’est que le FC Barcelone appartient et appartiendra toujours à ses membres, au peuple Catalan. Le FC Barcelone est plus qu’un club parce qu’il appartient aux Catalans. Ce n’est pas une entreprise privée comme le CH qui doit d’abord et avant tout généré des profits pour ces actionnaires. De la même façon que le Real Madrid, l’Athletic Bilbao et le CA Osasuna, le FC Barcelone est une organisation à but non lucratif (OBNL), dont il n’est pas possible d’acheter la propriété, comme c’est le cas des autres clubs européens enregistrés en tant que sociétés privées. Les milliardaires russes et arabes peuvent s’acheter des clubs anglais mais pas le FC Barcelone. Les membres paient une cotisation d’un montant de 157 euros (environ 200$ CAN) par an. Ces membres communément appelés « les socios», sont au nombre de 170 000 en 2010. Ils forment une assemblée de délégués qui détient le pouvoir sur le club et élit le président depuis 1978, pour des mandats de deux ans et demi. Quand un président prend des décisions qui ne font pas leurs affaires, ils le mettent dehors en assemblée générale.
Jamais un Georges Gilet ou des Molson ne pourraient acheter le FC Barcelone parce que c’est réellement «Mes que un club» et un OBNL ne se vend pas légalement. C’est la sueur, le sang et la passion des Catalans qui animent ce club qui est le meilleur club de soccer au monde. C’est le seul club dont le maillot, le plus convoité de la planète par les plus grands annonceurs du soccer, est vierge de toute inscription publicitaire depuis 1899, date de la création du club. Une exception a été faite récemment par les membres qui ont accepté que le maillot de leur équipe porte le logo de l’UNICEF. Ce qui génère des millions de dollars à cette organisation mondiale dédiée à la protection des enfants dans le monde.
Le FC Barcelone investit énormément dans la formation des jeunes joueurs locaux qui sont la fierté du Club et va aussi chercher les meilleurs joueurs ailleurs dans le monde.
Le jour où le CH appartiendra à ses partisans, ils auront le plein droit, plus que celui d’un client, de questionner les choix de ses dirigeants. Pour le moment, nous n’avons que le pouvoir du client qui peut toujours boycotter l’équipe si elle ne répond pas à ces valeurs.
Le FC Barcelone est la preuve qu’un organisme à but non lucratif peut être viable et bien géré. Le club investit à chaque année une partie de ses profits dans les œuvres sociales chères à ses membres.
En 2010, le magazine Forbes évalue le club du FC Barcelone à hauteur d’un milliard de dollars US pour la saison 2008-2009, au quatrième rang derrière Manchester United, Real Madrid et Arsenal FC. D’après le cabinet Deloitte, le FC Barcelone génère cette même saison un revenu de 365,9 millions d’euros (environ 510 millions de $ can), au deuxième rang derrière le Real Madrid (à 401 millions d’euros).
Pour finir, je propose que Les partisans achètent le CH à la prochaine occasion (si les Molson le veulent évidement) et le transforme en entreprise d’économie sociale (OBNL ou coopérative). La dernière évaluation du CH par Forbes équivaut à 445 millions US. Pour vous donner une idée, 1 million de Québécois à 500$ chacun, nous avons 500 millions de $, de quoi acheter le CH en payant comptant. Dans la vraie vie, on n’a même pas besoin d’autant de cash, mais juste amasser une mise de fonds et financer le reste par des institutions financières qui vont se bousculer pour investir dans une affaire aussi rentable que le CH. Comme partisan, je mettrai 1 000$ dans un tel projet demain pour avoir une carte de membre.
Les Québécois ont toujours voulu un club de hockey qui leur ressemble, qui correspond à leurs aspirations les plus profondes même identitaires, un club différent qui va au-delà du sport et du divertissement. Bref, ils veulent « un monstre sacré » mais il faut déjà s’en donner les moyens.
Bonne et heureuse année 2012.
Je serais à 100% partant. Ça pourrait être une belle coop de solidarité. Nous aurions pu faire cela avec l'équipe de Québec aussi. Bonne journée, Christian
RépondreSupprimerMoi aussi je mettrait mon 500$. Et je ne suis pas particulièrement fan de hockey.
RépondreSupprimerFaudrait en parler avec notre ami Daniel, après tout, le Centre Bell est sur son territoire...
RépondreSupprimerPar ailleurs, le Gouvernement du Québec, qui va payer 50% de la facture de l'amphithéâtre de Québec serait en excellente position pour exiger que ce soit une (vraie) entreprise d'économie sociale qui gère les Nordiques 2.0
RépondreSupprimerMais ils le feront pas...