Contrairement au bon sens, la richesse est la chose du monde la moins partagée.
L’actualité n’a jamais été aussi «riche» au Québec. Les dernières semaines, le mot «riche» été le plus utilisé dans tous les médias de masse (journaux, radio, télévision) ainsi que dans les médias sociaux. Malgré sa popularité, personne ne veut s’affubler de ce qualificatif honni qu’est le mot «riche» parce que son corollaire est une maladie incurable, l’impôt, dont les effets s’intensifient quand la richesse augmente. Actuellement, personne ne veut être catégorisé de «riche» au Québec, même si l’on gagne au moins 130 000$, plus de 3 fois le salaire moyen. L’exaspération des allergiques au mot «riche» se résume souvent à la question « à 130 000$ par année, on devient riche au Québec? ». Bizarrement, malgré la tonne de réactions journalistiques, je n’ai pas vu une seule réponse à la question : Si on n’est pas riche à 130 000 $, à quel seuil de revenu peut-on se considérer comme riche au Québec? Mario Dumont a avancé une piste sur 95,8FM « on est riche quand on peut se permettre des folies, comme s’acheter une maison comptant en Floride » M. Dumont doit penser probablement que «riche» équivaut absolument à «millionnaire».
Je vais vous en proposer une définition plus objective, basée sur une méthodologie utilisée dans plusieurs études en France.
Qui est riche?
Une étude du groupe Eyrolles (France) a répondu à la question sur la base d’une méthodologie adoptée par plusieurs autres économistes. Elle définit deux seuils de richesse : le seuil de richesse en niveau de vie (revenu) qui correspond au double du revenu médian de l’ensemble de la population, et le seuil de richesse en patrimoine qui correspond au double du patrimoine moyen des ménages. Le revenu médian étant celui qui partage en deux parties égales la population, une moitié dispose de plus et l'autre de moins.
Au Canada le revenu total médian d’une personne seule était de 36 100$ en 2010, il est un peu plus faible au Québec.
Toute personne qui gagne plus du double de ce montant, c’est-à-dire 72 200$ est donc considéré comme riche.
On sort un peu de la subjectivité et de la polémique. Libre à chacun de penser qu’il est riche ou pas mais si on se réfère aux études sur les inégalités, vous êtes RICHE si vous gagnez plus de 72 200$ par année. Pour une famille, le revenu médian est de 60 000$ et le seuil de richesse monte à 120 000$. Le seuil de richesse est ensuite ajusté en fonction du nombre d’enfants dans la famille. Si vous avez une ribambelle de marmailles, le seuil est évidemment révisé à la hausse.
Bien des gens se pensent membres des "classes moyennes" ou préfèrent se loger dans la « classe moyenne supérieure », alors même que leurs salaires les classent parmi les 2% ou 3% des salariés les mieux rémunérés. Cette perception est due aux écarts très considérables qui existent aussi parmi les nantis. Tout au sommet, on trouve des dirigeants de grandes entreprises et les stars millionnaires, qui peuvent gagner jusqu’à 200 fois le salaire moyen. A côté de ces ultra-riches, le riche non-millionnaire se sent évidemment « pauvre riche ».
L’annonce de la hausse des impôts des plus nantis a déchainé les passions et des réactions virulentes dans tous les médias. Les titres des articles intègrent au choix les mots les plus durs du dictionnaire français : la méchanceté, la punition, le danger, la colère, le désespoir, la menace, l’exil. Les « riches » en colère, se sentent punis par le méchant gouvernement péquiste pour leurs efforts et menacent en désespoir de cause de s’exiler au risque de mettre toute l’économie québécoise en péril. A en croire certains oiseaux de mauvaise augure, nous en serions au bord de l’apocalypse.
Mais pourquoi une telle hystérie collective d’une minorité plus que choyée?
Les hausses d’impôts annoncés ont des impacts réels relativement minimes. Selon Gérald Fillion «Une fois en application, la hausse d’impôt pour un contribuable qui gagne 135 000 $ par année pourrait atteindre environ 200 $. Pour celui ou celle qui gagne 150 000 $, il faudra débourser une somme d’environ 800 $ de plus. À 200 000 $, c’est près de 3 000 $ de plus à contribuer au trésor public. À 300 000 $, il faut ajouter plus de 8 000 $». (Voir les détails de toutes les mesures fiscales plus bas). Sérieusement, les riches vont s’exiler du Québec pour si peu? J’avais déjà parlé dans un autre article des raisons pour lesquelles les riches ne quitteront pas le Québec mais je vais en rajouter.
Le retour du balancier
Au fonds le PQ ne fait que reprendre aux mieux nantis une partie des avantages accumulés les 10 dernières années. Il faut rappeler que les impôts des plus riches ont baissé au cours de la dernière décennie au Canada et au Québec. « Une personne qui gagne 150 000 $ a au moins 10 000 $ de plus dans ses poches aujourd’hui par rapport à l’année 2 000. La hausse d’impôt prévue l’obligera à payer 800 $ de plus en impôts. Une personne qui gagne 300 000 $ a au moins 15 000 $ de plus dans ses poches par rapport à 2000. Avec la hausse des impôts attendue au Québec, il devra renoncer à 8100 $ » selon les chiffres du fiscaliste Luc Godbout.
Le Québec, le Canada et Montréal présentent des atouts exceptionnels pour attirer les investissements étrangers, les plus riches et les entrepreneurs. Selon une étude de KPMG (pas une clique de gauchistes) portant sur la compétitivité des 14 grandes économies du monde, le Canada arrive en deuxième place. Les impôts des entreprises ont baissé considérablement depuis 10 ans au pays, les taxes sur le capital aussi, ce qui rend le Canada très attirant pour les investisseurs étrangers. Sur 55 grandes villes de 2 millions d’habitants et plus, Montréal arrive au sixième rang grâce notamment aux crédits d’impôts dans le secteur numérique et aux soutiens publics à la recherche et au développement. Oui, les particuliers sont plus imposés au Québec mais les outils, les conditions à la création de la richesse sont plus favorables ici qu’ailleurs en occident.
Plus que le reste de l’Amérique du Nord, les riches Québécois profitent d’un ensemble d’avantages publics et de leviers incroyables.
Le Québec est considéré comme le champion en matière de subventions des entreprises privées. La province verse chaque année plusieurs milliards de dollars (6 milliards en 2007) à l’entreprise privée, et au profit d’une poignée actionnaires, pour soutenir d’hypothétiques créations d’emplois. En plus des subventions de l’État, il y a aussi l’ensemble des exemptions fiscales qui leur sont consenties. De 2004 à 2010, cette aide fiscale aurait grimpé de 730 millions $ pour totaliser 2,5 milliards $. Si on considère certaines mesures d’application générale, il faut ajouter 1,1 milliard $ de plus qui a été consenti aux entreprises en 2010. Oui, les riches créent des emplois mais à quel prix pour les contribuables?
Le Québec est considéré comme le champion en matière de subventions des entreprises privées. La province verse chaque année plusieurs milliards de dollars (6 milliards en 2007) à l’entreprise privée, et au profit d’une poignée actionnaires, pour soutenir d’hypothétiques créations d’emplois. En plus des subventions de l’État, il y a aussi l’ensemble des exemptions fiscales qui leur sont consenties. De 2004 à 2010, cette aide fiscale aurait grimpé de 730 millions $ pour totaliser 2,5 milliards $. Si on considère certaines mesures d’application générale, il faut ajouter 1,1 milliard $ de plus qui a été consenti aux entreprises en 2010. Oui, les riches créent des emplois mais à quel prix pour les contribuables?
Ajouter à tout ca, la qualité de vie, l’éducation abordable, la qualité de la main-d’œuvre, l’accès à la santé, les coûts de logement, les politiques sociales comme les garderies à 7$, etc. Si j’étais riche, je réfléchirais lonnnnnguement avant de faire mes valises.
Comme le dit la sagesse japonaise, « Il faut l’aide du destin pour faire fortune. Les capacités personnelles ne suffisent pas. » Ihara Saikaku (1642-1693), Le Magasin éternel du Japon.
Être riche on non. Voilà un concept que j'ai du mal à ficeler avec des chiffres. Selon moi cela relève plus de la philosophie ou à tout le moins de la sémantique.
RépondreSupprimerPar exemple on peut être riche en Afrique avec très peu d'argent; a contrario on peut être pauvre en Occident avec beaucoup plus. Ça peut paraître une évidence mais la culture continentale détermine selon moi le concept de «richesse» et c'est en grande partie relié au mode de vie. On peut toujours y attacher des mesures comptables mais je crois qu'il y a trop de d'impondérables pour qu'on puisse arriver à un consensus raisonnable.
Ma définition est celle-ci:
être riche c'est pouvoir dépenser sans compter, voyager, sortir, tout ça sans travailler et sans affecter à la baisse son équité.
@Serge William,
RépondreSupprimerVous avez bien raison sur la question de la relativité de la richesse. Le débat a dégénéré en "riche pas riche" alors que ce dont il est question au départ est la solidarité fiscale. Cependant, pour que les décideurs publics puissent prendre des décisions fiscales, il faut parler de chiffres et déterminer à partir de quel revenu, on est considéré comme "haut revenu" ou nanti ou riche. Et pour ce faire, on ne peut prendre comme référence que la société dans laquelle on vit. Un riche au Québec est peut-être un pauvre aux USA mais les décisions fiscales québécoises ne peuvent pas se baser sur la situation américaine. La référence valable au Québec est la moyenne québécoise. C'est dans ce sens qu'une personne qui gagne 130 000$ n'est pas à plaindre lorsqu'on lui demande de faire un petit effort de plus.