Cela fait quelques années que j’observe que les
ministres des finances fédéraux et provinciaux s’achètent des chaussures neuves
à la veille du dévoilement d’un nouveau budget. Je me suis souvent demandé
pourquoi? C’est quoi le lien entre l’outil d’allocation des ressources de l’État
en fonction de ses charges et une vulgaire paire de souliers neufs? Quelques
réponses vagues par-ci par-là mais rien de clair. La plupart des gens pensent
que c’est une vieille tradition britannique qui a été récupérée.
En fouillant, je suis tombé sur le site des
archives du parlement canadien qui dit clairement que « la notion qu’il
s’agit d’une tradition britannique est sans fondement. Selon le
haut-commissariat du Royaume Uni, la tradition britannique permet au chancelier
de l'Échiquier d’apporter à la Chambre des communes une « vieille mallette » et
de se régaler de sa boisson préférée en prononçant le discours du budget. »
Ça me donne plutôt l’image d’un Boris Eltsine sirotant de la Vodka en livrant
le contenu de son budget au parlement russe. Le budget de l’Allegria.
Revenons aux fameux souliers neufs. Pourquoi nos
ministres les portent en croyant qu’il s’agit d’une tradition britannique.
Imaginez que même Jacques Parizeau pensait que c’était le cas lorsqu’il avait
été interrogé par Gisèle Lalande, journaliste à Dimanche magazine. Pour lui, il
s’agirait d’une tradition britannique remontant au 19e siècle, qu’il a respecté
scrupuleusement de 1976 à 1984 alors qu’il gérait les finances du Québec .
Selon les recherches de la Bibliothèque du
Parlement, la coutume canadienne de porter des chaussures neuves semble être assez
récente, mais son origine reste
mystérieuse. Et des discussions avec plusieurs ex-ministres des finances démontrent
qu’ils ne connaissent pas avec certitude l’origine de la coutume. Huit
ministres des Finances seulement ont porté des chaussures neuves le jour du
budget. Donald Fleming serait le premier, suivi des ministres Sharp, Chrétien,
Lalonde, Wilson, Martin (qui a porté des bottes neuves, cadeau de Jean
Chrétien), Goodale et Flaherty.
Est-ce à dire que nos ministres des finances font
dans du grégarisme en suivant une tradition dont personne ne semble connaitre l’origine
et qui ne veut pas dire grande chose ?
A part monopoliser l’attention médiatique la veille
du dévoilement du budget, y’a t-il vraiment un symbolique sérieux derrière la
paire de chaussure ?
Le ministre Leitao vient de s’acheter une paire de souliers
de randonnée de 279$ pour symboliser la remise en marche de l'économie
québécoise. J’en avais entendu des comme ça par le passé. À la veille du dépôt
de son premier budget, l’ex-ministre des Finances, Nicolas Marceau, s’était
acheté des chaussures neuves Aldo, parce qu'il était «fier du retour à
l'équilibre budgétaire pour les Québécois». Et aux dernières nouvelles, nous sommes
toujours en déséquilibre. Son prédécesseur libéral, Raymond Bachand, avait
choisi de faire réparer les siennes en début d'année, en signe d'austérité. Et
on n’avait pas arrêté de dépenser pendant son mandat.
Si nos ministres veulent passer des messages à la
veille du budget, il y’a bien d’activités intéressantes à faire que de se payer
une paire de chaussures que le contribuable de la classe moyenne qui porte
cette économie à bout de bras ne peut s’offrir. Par exemple, une sortie dans un
organisme communautaire indiquerait un budget axé sur le social alors qu’une
sortie dans une entreprise marquerait un soutien accru à l’entrepreneuriat,
etc.
Par ailleurs, cela fait pratiquement 20 ans que le
Québec essaie de se positionner comme une économie des énergies renouvelables,
du développement durable mais je n’ai vu aucun ministre des finances acheter
les foutues chaussures dans une friperie Renaissance. Finalement cette tradition de souliers neufs, ne marche tout
simplement pas.
C'est pas compliqué: les ministres des finances fédéraux et provinciaux s’achètent des chaussures neuves à la veille du dévoilement d’un nouveau budget car suivant la réaction du peuple et du parlement soit ils devront faire face aux photographes en cas de succès soit ...ils devront prendre leurs jambes a leur coup et courir pendant des kilomètres pour échapper à un lynchage en règle...auquel cas il vaut mieux avoir des chaussures neuves !
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