Seul l'engagement des forces de toute une collectivité permettra le changement
Émilie Corriveau, 26 mars 2011
Les quartiers du Sud-Ouest de Montréal connaissent aujourd’hui un important renouveau avec notamment de nouveaux espaces communautaires. |
Ayant pour fondement le refus de l'exclusion et de la pauvreté comme système, le RESO et les CDEC s'inscrivent dans le mouvement de développement local amorcé depuis une vingtaine d'années au Québec. Ils prônent une conception du développement économique communautaire, globale et intégrée, basée sur la participation et la concertation de l'ensemble des acteurs d'une même collectivité. Celle-ci s'adresse à toutes les facettes de la vie individuelle et collective, privée et institutionnelle.
«Traditionnellement, les syndicats et les acteurs communautaires agissent ensemble et s'opposent aux entreprises, aux dirigeants et aux instances. Nous sommes convaincus que ce modèle ne permet pas de répondre aux défis de la mondialisation et qu'il faut plutôt créer une véritable coalition de toutes les forces de la collectivité pour susciter le changement. C'est pour cette raison que nous proposons un modèle de gouvernance autonome et concerté et que nous nous efforçons de stimuler la participation citoyenne, de mobiliser les acteurs et les intervenants de différents milieux et d'établir des partenariats entre la collectivité et les pouvoirs publics», affirme le porte-parole.
En travaillant de la sorte, le RESO et les CDEC parviennent non seulement à stimuler l'économie de leur milieu, mais aussi à créer des emplois répondant à la fois aux besoins de la collectivité et à ceux des entreprises établies dans un même secteur. Ainsi, le développement économique ne se fait pas uniquement au bénéfice des entreprises; il sert d'abord les intérêts d'une même collectivité.
La gouvernance autrement
Le défi de la cohésion
Si l'idée de répondre aux effets pervers de la mondialisation en adoptant une certaine conception du développement économique communautaire paraît séduisante, son exécution, elle, ne manque pas de défis à relever.
«Face à une crise, faire cause commune pour tenter de trouver une solution est de mise. Lorsqu'on n'est plus confronté à cette crise, le défi, c'est de conserver la cohésion qui s'est établie. Aujourd'hui, face à la mondialisation, nous ne sommes plus à l'étape de trouver des solutions pour répondre à une crise, mais bien à celle de considérer divers moyens pour développer nos potentiels. Le réel défi, c'est de s'assurer que le sens du bien commun reste une priorité pour les acteurs d'un même milieu», estime M. Morrissette.
Afin d'assurer cette cohésion, les CDEC effectuent un important travail de sensibilisation auprès des divers acteurs socioéconomiques de leur milieu, entretiennent un dialogue dynamique avec ceux-ci et veillent à ce que la culture de développement qu'elles ont réussi à implanter s'inscrive dans la durée.
«Ce qui est important, c'est d'engager des partenariats sur une base égalitaire, note M. Morrissette. On y est arrivé à plusieurs égards dans le Sud-Ouest. Il y a toujours un risque de glissement de partenaire à sous-traitant lorsqu'on travaille avec les gouvernements, mais il reste qu'on s'est donné un pouvoir autonome assez fort pour être capable d'agir et d'interagir avec l'État et les acteurs du privé.»
À titre d'exemple, M. Morrissette rappelle qu'aujourd'hui il est très difficile pour un promoteur privé de construire un projet d'envergure à Montréal sans recevoir l'appui de la population, alors qu'il y a une vingtaine d'années l'acceptabilité sociale d'un projet préoccupait peu les constructeurs.
«Il n'y a pas si longtemps, penser qu'un promoteur privé s'installant dans le Sud-Ouest accepterait de discuter avec le RESO des améliorations possibles de son projet, c'était assez improbable. Aujourd'hui, les promoteurs privés nous consultent à leur propre initiative! Les résultats sont concluants, les projets sont aujourd'hui beaucoup plus intéressants pour les entrepreneurs et la collectivité qu'ils ne l'étaient par le passé», confie le directeur du RESO.
Maintenant que le modèle de gouvernance du RESO et des CDEC est bien établi et a démontré sa viabilité, M. Morrissette et ses pairs espèrent pouvoir contribuer au développement d'une cohésion sociale à plus grande échelle.
Aujourd'hui directeur général du Regroupement économique et social du Sud-Ouest (RESO), une CDEC travaillant à la revitalisation économique et sociale des quartiers du Sud-Ouest de Montréal, Pierre Morrissette flirte avec les concepts d'économie sociale et de développement local depuis belle lurette. Pour l'homme, il ne fait aucun doute que, devant les impacts négatifs de la mondialisation — déclin de la participation démocratique, inégalités croissantes sur les plans social et territorial, délocalisation des industries et des emplois — les collectivités locales sont parmi les mieux placées pour engager le changement.
«La mondialisation, c'est un rouleau compresseur. Ses impacts négatifs se sont beaucoup fait ressentir à l'échelle locale, dans plusieurs collectivités. Dans le Sud-Ouest de Montréal, par exemple, qui a longtemps été un secteur ouvrier, en l'espace d'une génération, près des trois quarts des emplois industriels ont disparu. Environ 40 % de la population a quitté le quartier. Les gouvernements ne savaient pas trop quoi faire devant cette situation. Il a fallu que la collectivité locale se mobilise pour que le vent tourne», explique-t-il.
En pleine ébullition, l'arrondissement du Sud-Ouest de Montréal connaît aujourd'hui un important renouveau. Si le RESO n'est pas l'unique responsable de ce succès, il a certes contribué à outiller sa collectivité pour qu'elle puisse contrer les effets néfastes de la mondialisation et, du même coup, saisir les occasions que celle-ci présente.
«La mondialisation a un certain caractère inéluctable et, devant ses impacts, plusieurs sont tentés de baisser les bras, de laisser agir le marché. Pour le RESO comme pour les CDEC, la mondialisation n'a pas que des côtés négatifs. Nous pensons qu'il faut s'appuyer sur ce qu'elle apporte de bien, comme l'accès à l'information, la diffusion des savoirs et l'amélioration des procédés de fabrication, pour renforcer nos capacités d'agir et innover à l'échelle locale. De cette façon, nous sommes plus en mesure de poser des gestes concrets et d'améliorer la qualité de vie ainsi que la santé économique de nos collectivités. C'est ce qui est en train de se produire dans le Sud-Ouest», soutient M. Morrissette.
«Nous avons fait beaucoup de gains aux cours des dernières années, relève M. Morrissette. Maintenant, il reste à voir comment on peut diffuser et multiplier un modèle comme cela pour que chaque collectivité puisse se prendre en main.»
M. Morrissette traitera de la question le 7 avril prochain, lors d'une table ronde réunissant des intervenants communautaires et syndicaux.
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